Entretien, Patxi Bidart, membre d'une brigade de solidarité avec la Palestine (le journal)

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La Palestine est une destination traditionnelle pour les ONG et les brigades de solidarité du monde entier. Du 13 au 25 juillet dernier, Patxi Bidart, 24 ans, originaire de Baigorri, prenait part à une délégation culturelle composée de musiciens, bertsulari, artistes, maires et cinéastes du Pays Basque. Récit d'un voyage atypique.

Comment avez-vous participé à cette brigade?

Josu Martinez, réalisateur du film Sagarren denbora, m'avait appelé afin d'y prendre part en tant que joueur de gaïta. Il s'agissait de monter un projet sous l'égide de l'organisation «Musiciens sans frontières», à l'initiative d'Askapena. Une première expérience avait eu lieu l'an dernier, et cette-fois-ci, nous sommes allés à vingt-quatre personnes. On voulait avant tout rencontrer le peuple palestinien, sa culture, ses enfants, et offrir à notre tour un peu de notre patrimoine culturel.Quelle a été la première impression arrivée sur les lieux ?

C'est par la Jordanie que nous avons rejoint Jérusalem en taxi, répartis en petits groupes. Là, un check point de la taille d'un supermarché accueille les visiteurs, et les contrôles de passeports et autres interrogatoires sur les raisons de notre visite en Israël ont duré plus de quatre heures. Ce qui m'a frappé, c'est la différence de traitement que nous avons eu par rapport à celui réservé aux Palestiniens, systématiquement retenus et molestés malgré leurs passages quotidiens.

Une fois sur place, qu'avez-vous entrepris ?

Nous avons été à Ramallah, Hebron, Bethléem, Al Jamal... De nombreuses rencontres ont eu lieu avec des élus locaux, des responsables de camps de réfugiés, des musiciens, des agriculteurs. D'entrée, nous avons été mis au courant des conditions dans lesquelles les Palestiniens subissent l'occupation politique et militaire de la part des autorités d'Israël. C'est une réalité très dramatique, chargée de souffrances de toutes sortes. Par exemple, à Hebron, un membre du Fatah nous expliquait la manière dont Israël implante une colonie au coeur du vieux quartier arabe. Six cents militaires protègent les colons en permanence, et pour procéder aux expropriations des habitations que les propriétaires ne veulent pas céder, les maisons sont incendiées. Les assassinats sont aussi monnaie courante, alors que la deuxième intifada a pris fin depuis trois ans.

Dans tous les cas, leur quotidien est incomparable au nôtre. Là-bas, se révolter signifie souvent se faire tuer. L'objectif majeur des habitants est de survivre, de se nourrir, en essayant de passer par-dessus les entraves. Les puits d'eau sont sous contrôle de l'armée, les villes palestiniennes sont quasi assiégées et des murs semblables à celui qui est entrain d'être construit à Gaza ceinturent maintenant de plus en plus de localités.

Vous avez participé à une manifestation contre l'édification de l'un de ces murs.

C'était aux alentours de Bethlehem. La particularité, c'est que ce genre de protestation ne peut-être organisée que par des ONG, les Palestiniens ne peuvent même pas y venir sous peine de grosses représailles. La manifestation a duré une minute et l'armée a chargé sans sommation, lançant des grenades et des gaz. Il y a eu plusieurs blessés. Des membres d'une ONG française étaient aussi présents, cela nous a permis de discuter avec eux sur la signification de l'occupation en Palestine, mais aussi dans des territoires sous l'emprise de l'Etat français.

Avez-vous pu rencontrer d'autres responsables politiques?

Principalement des membres du Fatah et du FPLP. Tous sont d'accord pour dire que tant que la communauté internationale ne s'active pas de manière efficace, l'occupation militaire ne disparaîtra pas. C'est une situation très compliquée que j'ai ressentie au niveau politique, et un sentiment d'impuissance énorme. Que faire face à la quatrième puissance armée du monde, soutenue par les Etats-Unis ?

Il y a aussi les tensions internes entre les organisations palestiniennes. Le Hamas mène une politique intégriste et agressive qui m'a laissé un goût amer. Enfin, nous avons pu nous réunir avec des anciens officiers de l'armée israélienne, reconvertis en membres pacifistes contre l'occupation, essayant de convaincre les autres de ne pas aller faire leur service militaire en Palestine.

Votre brigade se voulait avant tout culturelle. Quels échanges avez-vous pu réaliser ?

Notre ambition était de jouer dans les rues, les places, faire des animations, d'amener un peu de gaieté là où on nous le demandait. Nous avons été très surpris par l'accueil chaleureux qui nous a été réservé à chaque endroit. Au village d'Al Jamal, c'est le maire qui nous a reçus en personne, puis tout le village a assisté à un spectacle que nous avons offert. Chants, danses, musiques... des improvisateurs de poèmes locaux, les sahal, sont venus nous rejoindre et des bertsu ont été échangés en euskara et en langue arabe. D'autres rencontres similaires ont eu lieu durant notre séjour. En résumé, le voyage a été bref mais intense. Nous avons tous été assez secoués, choqués. Un film est en préparation.
Des vacances pas comme les autres

Mexique, Bolivie, Argentine, Ecosse, Irlande, Palestine, Venezuela... Chaque été, le collectif internationaliste Askapena organise des brigades de solidarité en partance du Pays Basque. Il s'agit pour les brigadistes de «mieux connaître les différentes réalités des peuples en lutte», ainsi que d'échanger des informations sur les «processus de libération et de résistance».

Réunions publiques, ateliers, mobilisations et contacts se multiplient à chaque endroit visité, et parfois, cela pose problème aux autorités locales, tel cet incident survenu l'an dernier en Argentine, lorsque la brigade basque rencontrait plusieurs représentants du peuple indien Mapuche. La police procédait à des interpellations et des articles de presse faisaient état de «contacts entre membres subversifs».

Cette année, une cinquantaine de personnes ont pris la route des brigades, non sans avoir suivi des formations préalables.

Hartzea LOPEZ ARANA